Avril-juillet 2016/ Sierra Nevada de Santa Marta, Région Guajira, Colombie
À une heure et demi de marche de Palomino* montant vers la Sierra Nevada de Santa Marta*, se trouve l’école du village indigène Kogui* de Seywiaka. C’est là que nous proposons d’établir un atelier de marionnettes régulier avec les enfants, ayant comme objectifs d’explorer et créer avec les matériaux de la Sierra, matériaux physiques autant que matériaux imaginaires. S’immerger dans la vision du monde Kogui, ouvrir des portes sur l’imaginaire collectif à partir des matériaux qu’on trouve ici. Et avant tout, partager.
Légende : le théâtre de l’école
Pendant trois mois, nous intervenons une fois par semaine pour créer deux groupe de théâtre ouvert à tous, l’un avec les enfants de 7 à 15 ans, et un autre avec les plus petits, de 4 à 6 ans.
Ne parlant pas encore bien l’espagnol, les plus petits deviennent rapidement nos professeurs de langue Kogui. Pour travailler avec eux, nous fabriquons quelques marionnettes à partir de matériaux naturels du lieu. Ce sont les enfants qui les nomment, définissent leurs caractéristiques, inventent leurs origines et histoires de vie… C’est ainsi que naissent Sukua (l’enfant), Kurtse (l’arbre), Luigi (la chauve-souris)… avec lesquels les enfants improvisent et inventent des histoires.
De gauche à droite : Luigi, Sukua, Kurste, Zigi (le cerf). Jate Nuba (Monsieur Oiseau)
En effet, un de nos objectifs est de travailler à partir de la vision du monde et des histoires de la communauté, et de pouvoir les exprimer, et re-signifier à partir des marionnettes ; le fait que les histoires viennent des enfants à travers l’improvisation est donc primordial.
Avec les plus grands, dans un premier temps, nous faisons beaucoup de jeux corporels et théâtraux pour travailler la ludique et la concentration collective, ainsi que des exercices d’échauffement de l’imaginaire et d’exercice d’animation de marionnettes.
Ensuite, nous proposons un temps d’exploration plastique et de construction de marionnettes. Tous les enfants sont les bienvenus, qu’ils aient ou non participé aux ateliers antérieurs. Ce temps permet à beaucoup d’entre eux de participer au processus théâtral d’une autre manière. Le cadre de l’atelier est très ouvert, c’est un laboratoire où chacun fabrique à sa guise, tout seul ou à plusieurs, et toujours avec les matériaux de l’alentour. Entre les balades à la recherche de visage apparus dans les écorces, de dents de tigres en coquillages, d’yeux de vipère en graines d’arbres, et le bricolage des uns et des autres à partir des matériaux récoltés, ce sont deux semaines de création intense. Des palmes et des bois du fleuve surgissent des cerfs, des caimans, des serpents, des tigres, des bateaux, des oiseaux, des anciens…
Pendant cette étape, nous organisons également des soirées de théâtre d’ombre libres pour expérimenter et jouer avec les éléments créés pendant la journée. Beaucoup d’enfants de l’école se retrouvent alors dans le petit théâtre pour jouer avec fascination à la lueur des bougies et voir s’animer les bricolages des uns et des autres. Ces soirées ont tendance à faire un peu de concurrence au téléviseur qui déverse ses bêtises dans l’espace commun.
La dernière étape du processus est la préparation durant deux semaines intenses de petites scènes à présenter à la communauté lors de l’anniversaire du village, toutes tirées d’improvisations proposées par les enfants.