Bodega Alta

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Ateliers de théâtre forum dans une école pour jeunes et adultes

septembre – octobre 2017

Lorsque notre amie Isadora nous propose d’animer des ateliers de théâtre dans l’école pour adulte où elle travaille, on accepte illico, et avec grand plaisir. D’abord parce qu’on est très heureux.es de travailler en sa compagnie, ensuite parce que nous aimons beaucoup travailler avec des adultes. Avec ce groupe, Isadora travaille le thème de l’écriture. Mais l’écriture entendue dans ses sens multiples: l’écriture, ce n’est pas seulement couvrir une feuille de papier de lettres d’encre; on peut aussi écrire à travers d’autres outils. Nous, on propose au groupe d’écrire avec le corps. Exprimer, raconter les réalités vécues, et les transformer avec le corps, à partir du “sentir et de l’ agir”. Pour cela, on propose de se focaliser sur la technique du théâtre-forum.

Nous commençons les ateliers avec un groupe d’une douzaine de personnes de différents âges, majoritairement des femmes. Dès le début, nous sentons un groupe où règne une grande confiance, un groupe ouvert aux propositions, prêt à jouer. Nous sommes surpris.e.s d’observer que chaque jeu que nous proposons donne lieu à des prises de parole liées à la vie de la communauté, à des thèmes politiques. Nous sommes heureux.es de les écouter philosopher sur leurs sensations, et les mettre en relation avec leurs propres vies après chaque exercice.

Lorsque nous commençons à récolter des histoires d’oppressions pour les travailler et tenter de les transformer collectivement, nous nous rendons compte que ce n’est pas facile pour ce groupe de raconter des histoires individuelles. Les histoires racontées sont quasiment toujours des histoires collectives, déjà politisées. Nous découvrons ainsi à l’intérieur même de ce groupe le “sentir communautaire”  et l’organisation collective tellement présentes dans la communauté Nasa.

Nous découvrons également l’impact du conflit armé dans les expériences et histoires du groupe. Des histoires de séquestration, d’échanges de tirs, de guerre. Des histoires qui touchent profondément les coeurs, et sur lesquelles l’outil du théâtre-forum nous paraît avoir peu de prise. Comment proposer des transformations face à tant de violence ? Augusto Boal le disait lui même : on ne peut pas faire forum avec un pistolet sur la tempe. Alors nous écoutons avec beaucoup d’attention, tout en sachant que le théâtre-forum ne sera pas la solution. Nous savons qu’il nous faudra traiter cette question postérieurement pour continuer à travailler dans ce territoire : Quels outils pouvons-nous inventer, créer avec les communautés pour que ces histoires de guerre ne soient pas abandonnées, ne restent pas enfermées dans les coeurs des personnes ?

Mais pour l’heure, nous avons très peu de temps avec ce groupe, seulement trois ou quatre jours. Alors nous nous motivons pour monter les histoires qui se prêtent au forum. Nous nous entraînons à transformer les réalités depuis l’espace scénique. Nous essayons des choses, nous jouons. Quelle joie de voir jour après jour les timidités tomber pour laisser place au lâcher prise, et d’accueillir comme un cadeau du coeur les histoires confiées par les plus réservé.es du groupe ! Et de voir que celles et ceux qui au début ne voulaient pas jouer, y prennent finalement un malin plaisir et demandent plus de rôles !

Nous décidons de montrer notre travail devant la communauté, pour mener les histoires qui ont touché le groupe au débat public. Ce sont des histoires que le groupe a choisies parce qu’elles traitent de thématiques dont on ne parle pas facilement au sein de la communauté.

La question des agressions sexuelles faites aux femmes : Que faire lorsque en tant que femmes nous sommes victimes de tentatives de viol ? Comment parler d’un sujet si tabou à l’intérieur de la famille ? Et avec le reste de la communauté ? Comment faire lorsque la majorité condamne le viol et en même temps responsabilise les femmes lorsque ca leur arrive?

La question de la jeunesse : Que faire face à nos fils, filles, neveux, nièces lorsqu’ils et elles se laissent entraîner dans des comportements d’addiction aux drogues ou à l’alcool ? Lorsqu’ils et elles se font recruter par des groupes armés ? Comment parler de ça dans la famille ? Et avec la communauté ?

La question de l’institutionnalisation de l’organisation politique : Comment pouvons-nous décider collectivement de l’ordre du jour des assemblées communautaires ? Comment éviter que les dirigeants politiques prennent toute la place et ne laissent pas parler la communauté ?

C’est avec toutes ces questions en tête que nous répétons pour jouer deux scènes de théâtre-forum face aux étudiant.es de l’école de nasa yuwe (langue nasa) qui se trouve à côté du collège où nous nous trouvons.

Et nous voilà, après les dernières répétitions, tou.tes vêtu.es de noir sous le chaud soleil d’après-midi, les pieds dans l’herbe, face à un public d’une quarantaine de personnes, assises à l’ombre d’un arbre immense.

Nous jouons, et le forum suit. Plusieurs interventions nous restent en mémoire : celle d’une femme qui demande à son mari de l’écouter et de la soutenir pour dénoncer l’agression aux autorités ; celle de cet homme qui décide d’aller parler avec les membres de la communauté, faisant du porte à porte pour que s’initie un dialogue ; celle d’un jeune qui décide de discuter avec le jeune et qui lui demande ce que lui voudrait, lui permettant enfin d’exprimer ses propres désirs.

Un jour bien ensoleillé dans le ciel et sur les visages de la communauté de Bodega Alta, dans le Nord du Cauca.[:es]

Talleres de teatro foro en una escuela por Jóvenes y adultos

septiembre de 2017 – octubre de 2017

Cuando nuestra amiga Isadora nos propuso hacer talleres de teatro en la escuela de adultos donde ella es dinamizadora, aceptamos con mucho gusto. Primero porque nos alegró mucho la idea de trabajar con ella, segundo porque nos gustaba la idea de hacer talleres con adultos. Con este grupo de adultos, Isadora trabajaba el tema de la escritura. Pero la escritura entendida de muchas formas. La escritura no solo es llenar un papel con letras de tinta, también se puede escribir con otras herramientas. Entonces nos propusimos con este grupo escribir desde el cuerpo. Expresar, narrar las realidades vividas, y transformarlas  desde el cuerpo, desde el sentir y actuar. Propusimos enfocarnos en la técnica del teatro-foro.

Arrancamos los talleres con un grupo de una decena de personas de edades variadas, con una mayoría de mujeres. Desde el principio, sentimos un grupo con mucha confianza. Un grupo abierto a las propuestas de ejercicios, dispuesto a jugar, a recochar. Nos sorprendió observar que cada juego que proponíamos lo relacionaban con temáticas políticas y con la vida comunitaria. Nos alegró escucharlos filosofar sobre su sentir y relacionarlo con sus vidas, después de cada ejercicio.

Cuando empezamos a cosechar historias de opresiones, historias para trabajar colectivamente y transformarlas, nos dimos cuenta que no era fácil para el grupo buscar historias individuales. Siempre querían trabajar historias colectivas. Porque esas historias implicaban a la comunidad, ya estaban colectivizadas, politizadas. Así descubrimos un grupo que reflejaba ese sentir comunitario y esa organización colectiva tan presentes en la comunidad nasa.

También descubrimos un grupo que ha vivido el conflicto de frente. Historias de secuestros, de enfrentamientos, de guerra. Historias que tocan profundamente los corazones, y para cuales nuestras herramientas de teatro-foro nos parecieron fuera de lugar. ¿Como proponer transformaciones frente a tanta violencia? Hasta Augusto Boal lo dijo: no se puede hacer foro si tenemos una pistola en la frente. Entonces escuchamos con mucha atención, dejando claro que el teatro-foro no era la técnica adecuada para tratar estas situaciones. Esto quedó como un trabajo pendiente para nuestro colectivo en este territorio. ¿Qué herramientas inventamos, creamos, junto a las comunidades, para que con el arte no dejemos que esas historias queden olvidadas, encerradas en los corazones de las personas?

Con este grupo teníamos muy poco tiempo de trabajo, apenas 4 o 5 días. Entonces nos pusimos las pilas para montar las historias que sí se prestaban para hacer foro. Nos entrenamos a transformar las realidades desde el espacio escénico. Intentamos cosas, jugamos. ¡Que alegría ver que día tras día las y los mas tímidos se soltaban! Que las y los mas reservados se abrían para compartir su historia, como un regalo desde el corazón.

Que las y los que no querían actuar al principio, de a poco le tomaron el gusto a la actuación y al final pedían mas roles.

Decidimos mostrar nuestro trabajo ante la comunidad, para llevar al debate público las historias que tocaron el grupo, historias que el grupo mismo eligió porque plantean problemáticas de las cuales no se habla tan fácilmente en la comunidad. El tema de las agresiones sexuales hacia las mujeres: ¿Qué hacer cuando como mujeres somos víctimas de un intento de violación?  ¿Cómo hablar de un tema tan tabú con nuestra familia? Con la comunidad? ¿Cómo lidiar con el hecho de que todos repudian las violaciones pero también muchas veces se les pone la culpa a las mismas mujeres?

El tema de la juventud: ¿Qué hacer cuando nuestros jóvenes se dejan llevar por la drogadicción o el alcohol? ¿O reclutar por grupos armados? ¿Cómo hablar de eso en la familia? ¿En la comunidad?

El tema de la institucionalización de la organización política: ¿Cómo como comunidad decidimos de los puntos que hay que discutir en las asambleas? ¿Cómo evitamos que los líderes políticos tomen demasiado protagonismo y no dejen hablar a la comunidad?

Con todas estas preguntas en la mente, cuadramos todo para actuar dos escenas de teatro-foro frente a los estudiantes de la escuela de nasayuwe que esta al ladito del colegio donde trabajábamos. Es así como nos encontramos en ese día soleado, después de los últimos ensayos, todos vestidos de negro, en el pasto de la escuela de nasayuwe, frente a un publico de unas cuarenta personas sentado bajo la sombra de un árbol gigante.

Actuamos y empieza el foro. Podemos recordar la intervención de esa mujer que le pide a su marido que la escuche y que la apoye para denunciar la agresión ante las autoridades. También ese hombre que va a hablar con las y los comuneros, casa por casa, para establecer un diálogo. Y ese joven que se pone a conversar con el otro joven, que le pregunta que es lo que él quiere, permitiéndole por fin expresar sus deseos.

Un día bien soleado en el cielo y en los rostros de la comunidad de Bodega Alta, Caloto, norte del Cauca.[:]